Un nombre toujours croissant de collectifs sociaux (think tank, équipes et groupes d’experts, associations, fondations, partis politiques etc.) témoignent, par leurs publications et leurs actions, d’un éveil des consciences, d’une aspiration profonde à ce que le monde s’organise et se structure pour rendre la vie meilleure. Prévenir les conflits, réduire les injustices économiques et sociales, protéger les écosystèmes et leurs ressources, limiter l’exploitation mercantile de la planète, etc., aucun sujet ne semble échapper au désir de créer une société plus juste et plus responsable.

Il s’agit d’un défi éthique et spirituel global, un défi nécessairement éducatif pour notre civilisation

Bâtir un monde de paix et d’harmonie sociale et économique, un monde dans lequel la possibilité que chacun se réalise supplante la logique de performance et de compétition, un monde où les citoyens manifestent des comportements engagés et respectueux d’autrui et de toutes les manifestations du vivant, un monde porté par des valeurs d’égalité, de justice et de fraternité, constitue un immense défi politique et humain. Il s’agit d’un défi éthique et spirituel global, un défi nécessairement éducatif pour notre civilisation qui, pour inventer la société de demain, doit se donner les moyens d’entrer dans une ère de plus grande sagesse et de plus grande maîtrise de sa destinée.

Relever ce défi suppose que tous les citoyens et plus spécifiquement les acteurs de l’éducation, parents, enseignants et éducateurs se rendent capables de responsabiliser, dès leur plus jeune âge, les nouvelles générations quant aux enjeux de leurs propres comportements sociaux de consommateurs et de citoyens, et pour cela de développer une qualité de savoir-être et vivre ensemble. Cette ambition ne peut être féconde que si parallèlement, elle vise le développement de l’esprit critique des jeunes et leur humanité, et si leur est régulièrement donnée la possibilité de discuter des questions existentielles qui les animent et de penser collectivement leurs idéaux et leurs valeurs.

Pour réussir à créer un monde meilleur, plus juste et plus respectueux des manifestations du vivant, l’éducation doit aussi valoriser toutes les formes de sensibilité (…)

Il s’agit non seulement d’apprendre aux enfants dès les premières années de leur vie sociale à se connaître à travers ce qui les unit, les rassemble et les distingue, mais aussi de les amener à s’accepter mutuellement, avec leurs singularités, leurs forces et leurs vulnérabilités. Un tel projet n’est réalisable que si leur est régulièrement donnée la possibilité de mobiliser leur intelligence relationnelle pour questionner à un premier niveau, de manière introspective et collective, les valeurs sociales qu’ils incarnent véritablement à travers leurs paroles et leurs actes, ainsi que les variables déterminantes du respect d’autrui  que sont la qualité de la communication (verbal, non verbale et para verbale) et le respect de ses besoins psychiques fondamentaux (sécurité, appartenance, justice, sens, reconnaissance, estime de soi, écoute, réalisation de soi). Dans un second temps, au niveau métacognitif, la réitération fréquente d’analyses interactives sur la manière de penser, de dialoguer, de s’organiser et d’appréhender positivement (confiance, créativité) les situations (projets, tâches, relations) vécues et leurs contraintes, peut significativement contribuer au déploiement de leur confiance dans leur capacité à se mobiliser pour changer le monde.

La coopération provoquée par le faire-ensemble et le parler-ensemble crée des interactions qui favorisent l’acquisition de compétences civiques et socio-émotionnelles

Ainsi revient-il aux adultes de créer des conditions éducatives permettant aux enfants et aux adolescents d’apprendre à vivre sereinement les uns avec les autres, en luttant eux-mêmes contre toutes les formes de discrimination et d’exclusion, en ajustant progressivement leurs comportements sociaux par la force du dialogue, de l’engagement mutuel et de la solidarité. La coopération provoquée par le faire-ensemble et le parler-ensemble crée des interactions qui favorisent l’acquisition de compétences civiques et socio-émotionnelles amenant les jeunes à stabiliser ou renforcer leur estime de soi stable et disposer d’une résilience suffisante pour s’enrichir des difficultés rencontrées. C’est à travers ces conditions et les renforcements positifs qu’ils reçoivent que les jeunes parviennent à nourrir leur créativité, et par là même à devenir à leur tour des passeurs pour les générations à venir. De telles compétences psychosociales ne peuvent s’acquérir que dans la durée et avec le soutien d’adultes bientraitants et sensibilisés aux vertus et aux exigences éthiques de la bienveillance, des adultes capables, par leur écoute, leurs paroles et leurs propre comportement, de susciter la confiance sous de multiples formes, de créer des relations éducatives significatives pour les enfants et les adolescents.

C’est à l’appui de ces convictions que j’apporte mon soutien à la fondation SEVE.

Christophe Marsollier est spécialiste de la qualité de la relation pédagogique et des espaces de paroles à l’école, il est connu pour avoir développé les concepts d’ « éthique relationnelle » et de « bienveillance active ». Docteur en sciences de l’éducation, il est conférencier et auteur de nombreux ouvrages, dont Investir la relation pédagogique. Repères éthiques pour l’enseignant. (Ed. Chronique sociale), L’éthique relationnelle, une boussole pour l’enseignant (Ed. Canopé).